Ethologie (scientifique)

Je continue dans le partage d'article frais sur l'éthologie équine. Ici, il s'agit plutôt de physiologie appliquée au comportement équin, réalisée par une équipe de Corée du Sud et publiée ce mois-ci (avril 2022). En quoi les hormones présentes dans le sang peuvent être corrélées au comportement des chevaux vis-à-vis de l'homme ?

Junyoung, K., Minjung, Y. 2022. The effect of serotonin and oxytocin on equine docility and friendliness to humans. Vet. Behav. 50, [Abstract] 18-22

Tout d'abord, je tiens à rappeler très brièvement ce qu'est l'ocytocine : une hormone qui a des effets sur le comportement bien connus chez l'homme, et qui est très souvent nommée dans les médias "hormone du plaisir" (lien avec l'orgasme), "hormone du bonheur" ou "hormone de l'attachement" (mère-enfant sous-entendu).
Quant à la sérotonine, c'est également une hormone que l'on associe au bonheur, à la diminution de prise de risque et qui est l'antagoniste de la dopamine.

Nous savons déjà que les neurotransmetteurs tels que l'ocytocine et la sérotonine jouent un rôle dans le comportement social des animaux.  Il a déjà été prouvé que l'ocytocine joue un rôle sur le comportement "docile et amical" des chevaux envers l'homme.

L'étude que je vous présente cherche à déterminer le rôle de la sérotonine en corrélation avec l'ocytocine dans ce comportement des chevaux à l'égard de l'homme.
Sur une population de 29 chevaux dont le caractère envers l'homme était connu (déterminé par trois personnes qui connaissaient bien ces chevaux), les chercheurs ont étudiés le taux d'ocytocine et de sérotonine, en comparant également avec l'âge (juste après la puberté, adulte ou vieux), la race (chevaux à sangs chauds ou poneys) et le sexe (jument ou hongre).

Les chercheurs retrouvent davantage de sérotonine et d'ocytocine chez les chevaux à sangs-chauds que chez les poneys, chez les chevaux âgés que chez qui sortent juste de puberté. D'une manière générale, ces deux hormones sont également corrélées positivement (quand l'une est élevée, l'autre également, et inversement).

Surtout, il s'avère que la concentration plasmatique en sérotonine et ocytocine (obtenu par prise de sang) est bien corrélé avec le comportement "docile et amical" des chevaux envers l'homme et pourrait donc être utilisé comme un paramètre pour évaluer ce trait de caractère.

Ici, je ne vous partage pas une étude scientifique mais un débat, entre l'éthologiste Hélène Roche (qui s'est spécialisée dans l'éthologie appliquée aux chevaux) et l'antispéciste Nicolas Mary, membre de l'association ACTA puis One Voice.

Peut-on encore monter les chevaux ? Débat du 10/02/2022 à Bordeaux :
https://www.youtube.com/watch?v=Pc04vgZy09U

On peut reprocher que le débat soit resté en surface (mais il était déjà suffisamment long...) et plus un échange d'idées que d'un véritable contenu scientifique. Je pense qu'il est intéressant s'il permet à chacun de se poser ces questions.

Je commence en posant la question : est-ce que ces messages sur la recherche en éthologie équine intéresse quelqu'un ? Pour savoir si je continue ou pas vu que j'ai l'impression que ça fait un flop ^^

Une étude très récente à nouveau, réalisée en Grande-Bretagne et publiée pour avril 2022, cherche à savoir si l'utilisation de données GPS peut permettre de déterminer de manière fiable quels chevaux ont des liens d'affinité entre eux. On peut voir un exemple ici qui montre qu'on n'a pas forcément de résultat probant à chaque publication, et c'est bien là la richesse de la recherche.

Bartlett, E., Cameron, L.J., Freeman, M.S. 2022. A preliminary comparison between proximity and interaction-based methods to construct equine (Equus caballus) social networks. Vet. Behav. 50, [Abstract] 36-45

Les liens d'affinité entre chevaux sont un élément important à prendre en compte pour le gérant d'une structure équestre s'il veut des relations stables et optimiser la sécurité au pré ou au paddock. Normalement, on se base sur des mesures d'interactions entre individus, ce qui nécessite une observation manuelle, donc beaucoup plus chronophage si on veut la faire sérieusement.

L'idée est donc de comparer si les résultats sont les mêmes avec la mesure de distance de chaque cheval via des GPS et avec quatre méthodes manuelles d'observation des interactions : toutes interactions, interactions amicales uniquement, grooming uniquement, et interactions agressives uniquement.

L'étude s'est portée sur trois petits groupes de chevaux domestiques, observés durant 20h et portant des GPS permettant de vérifier leur positionnement qui permettait de noter leur position au sein du groupe toutes les dix minutes. Il en ressort que les liens de rapprochement ainsi mesurés sont les mêmes que les liens que l'on peut établir en mesurant les comportements amicaux, mais les résultats ne sont pour autant pas significatifs scientifiquement parlant (en utilisant les mathématiques pour comparer et pas juste en observant les résultats à l'oeil). Les autres méthodes utilisées n'ont pas eu de résultats similaires à ceux donnés par le GPS.

Du coup, il semblerait que cette technique de mesure par GPS ne soit pas à jeter mais nécessite encore des recherches scientifiques pour savoir comment l'utiliser exactement pour avoir des résultats fiables.

Ça m'intéresse un peu oui, après ne te sens pas obligée de poster si t'as pas envie, t'inquiètes.

Je regarde aussi.

Merci Aurore, moi aussi je regarde, et j'oublie de poster quand je lis des trucs intéressants ^^'.Allez, bonne résolution 2022 !

Cette semaine, je ne partage pas un article scientifique mais le dernier épisode du podcast Véthologie, qui présente les principes de l'éducation au Clicker. L'épisode parle de plusieurs espèces domestiques mais fait la part belle aux chevaux !
Episode 9, je mets le lien vers la page générale et pas sur l'épisode directement car sur ce site il n'est a priori pas encore écoutable (cela va vite arriver je pense). Sur Deezer par contre il est bel et bien disponible puisque c'est là que je l'ai écouté, si jamais ^^

https://podcastaddict.com/podcast/vethologie/3857079

Oui quelqu'un a fait le boulet en l'enregistrant ce matin ^^' Mais il est dispo partout dans une heure ! Merci Aurore ! (et désolée je sais absolument pas comment je parle dedans, me réécouter quand j'ai la voix de Laure pour apaiser mes oreilles ça passe, mais seule c'est trop de stress XD)

Bon allez c'est Aurore qui a commencé donc c'est parti pour l'auto-promo x)
Ce soir dans Véthologie on discute du concept d'équitation "éthologique" : c'est là !

Pour info j'ai aussi écrit une conf plus complète sur le sujet, je la teste jeudi soir sur les étudiants à Alfort (mes ptits cobayes hihihi) et selon ce qui marche ou pas, et si ça vous tente, je pourrai vous en enregistrer une version peut-être ? Je vais la tester sur les cavaliers de l'écurie aussi XD

Oui, ça m'intéresse !
Mais pitié, inventez un autre mot qui sera repris par toute la francophonie ensuite derrière ^^

Je vous présente aujourd'hui une étude australienne publiée en mars 2022, qui s'intéresse à une possible corrélation entre le matériel utilisé pour monter ou tenir un cheval et ses réactions de défense.

Condon, V.M., McGreevy, P.D., McLean, A.N., Williams, J.M., Randle, H. 2022. Associations between commonly used apparatus and conflict behaviors reported in the ridden horse in Australia. Vet. Behav. 49, [Abstract] 1-14

L'étude a été réalisée via un questionnaire en ligne auquel plus de 1000 australiens ont répondu.
Elle montre une association significative entre les comportements de défense ("comportements non désirés") et l'utilisation d'un matériel coercitif (par exemple, un mors dur pour freiner son cheval, des éperons dans le but de le faire avancer), encore plus significative quand on en utilise plusieurs en même temps (mors dur + éperons par exemple). Par contre, aucune différence significative entre le matériel sans mors et l'utilisation d'embouchure de manière générale.

Dès que les résultats passent via un sondage, on peut toutefois supposer qu'il y a un biais d'interprétation de la part des propriétaires ou cavaliers. D'autre part, on peut se demander si l'utilisation de matériel coercitif entraîne l'augmentation de ses comportements inappropriés de la part des chevaux ou si c'est le comportement des chevaux qui a entraîné le choix du cavalier à utiliser un équipement plus sévère.

Une étude française aujourd'hui, toujours récente (sortie en janvier 2022) et qui s'intéresse à l'utilisation de brosses automatiques pour améliorer le confort des chevaux.

Lansade, L., Lemarchand, J., Reigner, F., Arnould, C., Bertina, A. 2022 Automatic brushes induce positive emotions and foster positive social interactions in group-housed horses. Appl. Anim. Behav. Sci. 246 (2022).



Les chercheurs ont disposé deux brosses automatiques dans une stabulation de 11x35m attenant à un paddock accessible de 10x35m. Le groupe de chevaux était constitué de 40 juments welsh, le troupeau ayant été composé quatre semaines avant le début des observations, tout comme la mise en place des brosses. Les chevaux étaient au pré quotidiennement et rentrés de 8h à 15h30 dans cette stabulation avec paddock. L'observation s'est déroulée sur 30h, par caméra.

Les questions étaient :
- est-ce que les chevaux utilisent ces brosses ? Avec quelle partie du corps les allument-ils (elles s'activent automatiquement quand ils s'y frottent), combien de temps s'en servent-ils, quelles parties du corps se brossent-ils ?
- est-ce que la présence de ces deux brosses augmente les interactions sociales positives (par exemple grooming) ou négatives (par exemple pour en défendre l'accès à d'autres) ?
- enfin, est-ce que les chevaux utilisent la même expression faciale en utilisant cette brosse que lorsqu'un humain les grattent (c'est-à-dire cou modérément relevé, yeux ouverts ou mi-clos, lèvre supérieure étendue et soit immobile soit en mouvements de contraction et les oreilles tournées vers l'arrière presque dans l'alignement du nez). Si oui, est-ce que cette mimique peut avoir un rôle social, c'est-à-dire pour communiquer entre eux ?

Les réponses :
L'utilisation de la brosse : la grosse majorité des chevaux ont utilisé cette brosse (87%). Ils utilisent principalement la tête pour allumer la brosse, et cela reste leur zone préférée pour se gratter. On aurait pu penser qu'ils auraient préféré la zone du garrot, qui est préférée quand ils se grattent mutuellement, mais ce n'est pas le cas. Une hypothèse est qu'entre eux, il est difficile de se gratter la tête et qu'ils profitent donc de cet outil pour faire ce qu'ils n'arrivent pas à faire autrement. Une autre hypothèse était la présence de mouches qui leur donnait envie de se cacher les yeux (mais ils se grattent quand même davantage l'arrière-main que l'avant-main et donc que le garrot).
Ils utilisent la brosse pour un temps court, inférieur à une minute, et y retournent plusieurs fois (4x en moyenne sur les 30h d'observation).


(a) : pour activer la brosse ; (b) pour se gratter

Les interactions sociales :
Les chercheurs ont observés si les chevaux qui utilisaient la brosse avaient des comportements agressifs envers les autres (par exemple pour s'approprier la brosse) ou au contraire amicaux.
Comportements amicaux référencés : grooming
Comportements agressifs référencés: le cheval fait semblant de mordre ou mord, le cheval fait semblant de taper ou tape, le cheval chasse l'autre ou attaque l'autre.


Le comportement facial positif est le comportement facial exprimé quand un humain gratte un cheval : pour rappel, cou modérément relevé, yeux ouverts ou mi-clos, lèvre supérieure étendue et soit immobile soit en mouvements de contraction et les oreilles tournées vers l'arrière presque dans l'alignement du nez.

Attention à ne pas confondre comportement agressif et expression faciale négative : il était prévu initialement d'observer si une expression faciale négative était suivie ou non d'un comportement agressif. La réponse est clairement ici non, tout simplement car AUCUN comportement agressif n'a été comptabilisé durant l'étude. Au contraire, de nombreux comportement de grooming ont été observés, sur des chevaux différents : les chevaux qui utilisaient la brosse commençaient à gratter un cheval se situant à proximité ! La brosse pourrait donc agir comme facilitateur social. Une prochaine étude cherchera à comptabiliser les comportements sociaux positifs dans un groupe où des brosses sont présentes par rapport à un groupe sans brosse, afin de clarifier cette hypothèse.



La mimique faciale des chevaux qui utilisent la brosse : cf. le schéma plus haut, les chevaux qui utilisent la brosse ont bien pour la plupart une expression faciale positive. Toutefois, comme ce n'est pas systématiquement le cas, les chercheurs ont donc également pu comparer les interactions entre chevaux en fonction de leur mimique faciale (pas d'expression faciale positive versus expression faciale positive). Un graphique vaut plus qu'un long discours :

Les chevaux qui ont une expression faciale positive sont bien plus nombreux à faire du grooming en utilisant la brosse.

Peut-être que ces chevaux utilisent cette expression faciale positive de manière volontaire, pour communiquer avec les autres chevaux. Ou peut-être sont-ils simplement plus détendus et du coup ils sont perçus comme des partenaires privilégiés pour les autres chevaux. Enfin, peut-être simplement que ceux qui font cette mimique sont plus expressifs car ils aiment davantage l'usage de la brosse et sont du coup plus enclins à gratter un autre partenaire. D'autres recherches sur ces mimiques faciales dans les fonctions sociales sont donc à envisager, afin d'y voir plus clair.

La grosse conclusion de cette étude, c'est surtout que les chevaux aiment ces brosses et que ces dernières induisent des comportements positifs chez les chevaux qui les utilisent et dans leur relation aux autres au moment de leur utilisation.

Aujourd'hui, un article français (encore ) réalisé par l'IFCE et l'INRAE, paru ce mois-ci (juillet 2022 ; ils sont encore plus en avance que les magazines féminins dans les papiers scientifiques  )

Fleurance, G., Rossignol, N., Dumont, B. 2022 Diurnal observations of feeding choices in grazing horses correctly predict their daily diet composition. Appl. Anim. Behav. Sci. 252 (2022).
https://doi.org/10.1016/j.applanim.2022.105652

La question est de savoir est-ce les chevaux consomment les mêmes plantes le jour et la nuit ?

La gestion des prairies passent forcément par la connaissance de ce que les animaux y mangent. Cette analyse peut être réalisée en étudiant les matières fécales mais un biais peut se faire en fonction de la digestibilité de chaque plante. L'observation directe de ce que les animaux mangent est plus efficace car elle n'induit pas de biais. De plus, de cette manière les chercheurs peuvent aussi noter la hauteur de l'herbe ingérée et le stade de la plante et remarquer ainsi d'éventuelles préférences, puisque nous savons déjà que ce sont des critères de sélection chez le cheval. Par contre, cette technique est beaucoup plus chronophage et ne peut être réalisée que sur un petit nombre d'individus.

Rappelons que les chevaux broutent 16h par jour en moyenne, dont 20 à 50% la nuit. Il est donc important pour les chercheurs de savoir si observer l'alimentation des chevaux uniquement le jour est représentatif de ce qu'ils mangent également la nuit ou s'ils doivent systématiquement faire des observations sur 24h d'affilée pour pouvoir conclure sans erreur.

Pour répondre à cette question, les chercheurs on réalisé 54 observations différentes : les chevaux ont été observés sur six parcelles mésophiles dans le centre de la France, sur trois saisons, durant trois années. Les résultats on été analysés soit dans leur totalité (24h), soit en ne prenant en compte que ceux réalisés depuis le lever du soleil jusqu'au coucher du soleil (jour). La composition de l'alimentation de chaque cheval était noté grâce à 288 relevés par jour (toutes les cinq minutes pendant 24h) afin de noter ce qu'il mangeait.

Et la réponse est OUI, les chevaux mangent bien essentiellement la même chose le jour et la nuit (à plus de 90%), que ce soit l'espèce, la taille ou le stade de la plante. Les chercheurs pourront donc se consacrer à des études de jour pour analyser l'alimentation des chevaux au pré.

A noter que beaucoup d'études qui utilisaient cette technique d'observation directe de l'alimentation des chevaux avaient déjà une observation uniquement diurne. Elles pouvaient donc comporter un biais puisque aucune étude n'avait été réalisée pour répondre à cette question jusqu'à présent.

Pas de doute que l'INRA utilisera cette conclusion à de bonnes fins dans de prochaines études...

Connaissez-vous l'E-Barq ?

Il s'agit d'un test de tempérament développé par une université de Pennsylvanie. Basé sur un questionnaire portant sur les réactions du cheval dans différentes situations et sur ses habitudes de travail, il décompose le tempérament du cheval selon 13 axes et compare chaque trait à la population générale.

Bon, c'est en anglais, ou en français québécois donc il faut un peu s'adapter niveau vocabulaire mais c'est rigolo à faire, ça correspond plutôt bien je trouve ^^

c'est ici !

L'auto-promo c'est toujours aussi mal !
On a sorti un petit épisode de Véthologie sur l'évaluation du bien-être du cheval monté, c'est ici et ça parle de ce qui se fait déjà (comment évalue-t-on le bien-être du cheval à l'heure actuelle, de quels critères objectifs dispose-t-on) et de ce qui est à faire.

Aujourd'hui, une étude japonaise et portugaise sur les chevaux ferraux, qui vient de paraître (2 juin 2022 pour août 2022).

Pinto, P., Mendonça, R.S., Hirata, S. 2022 Examining the costs and benefits of male-male associations in a group-living equid. Appl. Anim. Behav. Sci. 253 (2022).
https://doi.org/10.1016/j.applanim.2022.105660

Les chercheurs s'interrogent sur l'intérêt des troupeaux qui comportent plusieurs étalons et non qu'un seul, en plus des juments et des jeunes, alors que la pression pour avoir accès aux femelles est tellement grande en général. La question du rapport coût/bénéfice pour comprendre la stabilité de ces troupeaux est ainsi débattue depuis longtemps.

Les chercheurs ont ici étudié des groupes de chevaux avec un seul étalon et des groupes de chevaux avec plusieurs étalons en plus des juments, de mai à août (saison de reproduction), de 2016 à 2021. Les chevaux étudiés sont des chevaux Garrano, qui sont des chevaux ferraux du nord du Portugal, qui subissent notamment des attaques régulières de loups.
Les but des chercheurs était de comparer dans ces deux types de troupeau la taille du groupe et sa stabilité, le comportement de défense du troupeau réalisé par les étalons, le comportement des étalons envers les juments, les agressions des étalons envers les autres étalons du groupe, l'état physique des chevaux et le temps accordé à leurs différentes activités (repos, brouter, défendre le troupeau, etc.).

Il en ressort que, qu'il s'agisse des groupes avec un seul étalon ou avec plusieurs étalons, la stabilité des juments au sein du groupe ne change pas. On peut aussi noter que les étalons seuls dans leur troupeau ont plus de femelles à disposition pour la reproduction que ceux qui sont à plusieurs.

Dans les troupeaux avec plusieurs étalons, on remarque que :
- les étalons dominants passent moins de temps à défendre leur troupeau et plus de temps à se reposer que s'ils étaient seuls ;
- les étalons dominants ont moins de comportements agressifs envers les subordonnés qui défendent le plus le troupeau ;
- les étalons qui défendent davantage le troupeau ont également légèrement plus accès aux femelles que les autres ;
- les femelles ne subissent pas plus d'agression ou de harcèlement de la part des mâles que lorsqu'il n'y a qu'un seul étalon présent. Elles passent autant de temps à manger et à se reposer et leur condition physique est similaire dans les deux types de troupeau.

D'autres études devront confirmer l'existence et le maintient de "mâles subordonnés" dans ces groupes, mais également étudier en quoi la pression environnementale (ici, la prédation liée aux loups) modifie le comportement des chevaux ferraux et leur organisation sociale. Ces études de groupes multi-mâles sont également très importantes pour mieux cibler les politiques actuelles de retraits de mâles dans les populations de chevaux ferraux pour en réguler la population.

Une étude danoise, qui enfonce un peu des portes ouvertes je trouve mais qui a le mérite d'exister pour permettre aux normes sur le bien-être équin d'évoluer : quelle est l'utilisation faite par les chevaux des abris artificiels dans leurs prés en été ?

Christensen, J. W., Andersen, A. G., Skovbo K. N., Skovgård, H. Shelter use by horses during summer in relation to weather conditions and horsefly (Tabanidae) prevalence. Appl. Anim. Behav. Sci. 253 (2022).
https://doi.org/10.1016/j.applanim.2022.105676

Dans cette étude, les scientifiques vont s'intéresser à deux points particuliers : l'utilisation des abris en fonction de la témpérature extérieure et en fonction de la présence de taons.

Ils étudient dix groupes de chevaux, comprenant quarante-deux individus au total, des races les plus courantes au Danemark (danois sang-chaud, islandais, shetland, arabe, fjord et croisements). Les abris de ces groupes ne sont pas standardisés et sont donc pour la plupart différents.

Les chevaux sont étudiés pendant 56 jours d'été. Les abris sont équipés d'une caméra qui prend une photo toute les trente minutes afin de voir le nombre d'individus présents (48 photos par jour sur 56 jours = 2688 photos par groupe).
La météo est constatée via les données officielles du pays.
La présence de taons est constatée via la présence de pièges à insecte, une fois par semaine, soit 8 jours de données au total.

Les résultats :


Les chevaux sont significativement plus présents dans leur abri en été par temps chaud que par temps frais, lorsqu'il fait jour. La nuit, il n'y a pas de différence en fonction de la température de la journée.



On voit ici les deux jours où il y a eu le moins de taons attrapés et les deux jours où il y a eu le plus de taons attrapés. Il y a une corrélation significative entre la présence de taons et la présence dans l'abri.

Les espèces de taons les plus représentés étaient Haematopota pluvialis, puis ensuite Tabanus bromius. Enfin, d'autres espèces de la famille des Hybomitra.

Donc oui, les chevaux utilisent différemment leur abri artificiel en été :
- ils l'utilisent davantage quand il fait chaud
- il l'utilisent davantage quand il y a beaucoup de taons.

Un abri est donc un confort pour les chevaux en été.

A noter que les abris étaient pour la plupart différents et n'ont pas tous rencontré le même succès. Le plus petit abri, qui avait deux entrées qui se faisaient face, avait le moins de succès. Celui où on a vu le plus de fois la totalité des chevaux à l'intérieur était le plus grand, constitué de trois entrées. Le design et la taille ont donc très certainement un impact sur la manière dont les chevaux les utilisent.

On peut peut-être aussi reprocher à cette étude de ne pas nous dire si les jours où il y a le plus de taons sont les jours les plus chauds ou pas du tout, afin de savoir si la raison de cette corrélation ne peut pas être expliquée de cette manière.

Je suppose que ceux qui suivent ce post connaissent déjà tous le podcast Véthologie, puisqu'on en a parlé plusieurs fois déjà, mais si jamais, il y a un épisode basé sur la récompense alimentaire chez le cheval :
https://podcasts.audiomeans.fr/vethologie-01120b78/episode-26--la-recompense-alimentaire-chez-le-cheval-d3c4833c

Je vous partage une étude en français, réalisée par Léa Lansade, sur l'agressivité des chevaux envers les humains. Encore une fois, une étude très pertinente sur le bien-être équin et de très haute qualité selon moi. Voici le lien de l'étude.

Et je copie/colle la conclusion, pour les plus pressés :

Citation :

En pratique, cette étude a des conséquences importantes : les chevaux agressifs envers les humains ne sont pas
juste mal éduqués ou caractériels. Leur agressivité peut révéler des souffrances physiques et un état de mal-être qui
peuvent être profonds. Cet état de mal-être va jusqu’à modifier l’expression de certains de leurs gènes : ceux
impliqués dans la réponse immunitaire et au stress, et la mort cellulaire programmée. Cela montre à quel point ce
trouble ne doit pas être pris à la légère. Les chevaux qui présentent un trouble agressif doivent être pris en charge
afin de faire évoluer leurs conditions de vie et de travail vers une meilleure prise en compte de leur bien-être.

Encore une fois, je joue la facilité en vous partageant l'explication francophone d'une étude datée de 2008. Les chercheurs se sont posés cette question :
La présence d’un compagnon calme et ayant suivi un entraînement d’habituation au stimulus, lors de situations suscitant la peur (exposition soudaine à un stimulus), peut-elle réduire les réactions de peur des chevaux non habitués ?

La réponse est oui, et les explications ici :
https://lacense.com/wp-content/uploads/adse_un-compagnon-calme-et-habitue-dans-leducation-du-jeune-cheval.pdf

Toute fraîche, toute neuve, toute belle : une étude montre que l'utilisation régulière d'un entraînement basé sur la récompense augmente la recherche de contact par les chevaux

Cette étude a été réalisée sur 36 chevaux, sélectionnés sur la fréquence à laquelle ils sont entraînés par la récompense (moins d'une fois par mois) et sur la fréquence de visite de leurs propriétaires (5-6 visites par semaine minimum). Les chevaux ont été séparés en deux groupes
- un groupe soumis à un programme d'entraînement basé sur la récompense, adapté à des propriétaires n'ayant jamais utilisé le clicker-training. Le programme consistait en minimum 5 minutes d'entraînement 4 fois par semaine, en plus de l'entraînement habituel du cheval. L'entraînement était progressif et consistait à un travail avec une cible dans différents contextes et différents exercices.
- un groupe qui continuait à suivre son entraînement habituel

A l'issue des 9 semaines d'entraînement, les chevaux subissaient différents tests :
-un test qui consistait à observer le cheval face à un humain inconnu et immobile
-un test de biais cognitif. On place alternativement un seau rempli dans un coin (toujours le même) de la pièce et un seau vide dans le coin opposé. L'idée c'est que le cheval apprenne où est le seau rempli. A l'issue de cet entraînement, on place un seau à mi-chemin entre les deux coins. Si le cheval est "optimiste", il ira voir dans le seau. Si le cheval est "pessimiste", il n'ira pas.
-un questionnaire à destination du propriétaire sur sa relation avec le cheval
-un dosale de cortisol dans les poils

Résultat :

Les chevaux entraînés avec des récompenses cherchent davantage le contact de l'humain inconnu après la période d'entraînement. Pour les chevaux-témoin, il n'y a pas de différence sur la recherche de contact. Pas d'effet de l'entraînement sur le temps passé en contact avec l'humain.
Pas d'effet significatif sur le test de biais cognitif
Le questionnaire montrait que les propriétaires de chevaux entraînés par la récompense estimaient leur relation légèrement meilleure à l'issue de l'entraînement. Les propriétaires des chevaux témoin ne notaient pas d'amélioration dans la relation à leur cheval à l'issue des 9 semaines.
Pas de différence sur le taux de cortisol dans les poils. Pour les deux groupes, à l'issue des 9 semaines, le taux de cortisol était plus élevé.

En conclusion, l'usage de la récompense améliore la relation à l'humain et augmente la curiosité vis-à-vis des humains inconnus. Les résultats du test de biais cognitif ne sont pas étonnants : une étude préalable avait montré que les chevaux entraînés par la pression étaient même plus prompts à aller vers le seau ambigu. Ce même résultat avait été constaté chez le chien. L'explication réside probablement dans le fait que les animaux non-entraînés par la récompense sont davantage motivés avec de la nourriture, qui est plus rare que pour un animal entraîné avec de la nourriture.
Il est également possible que la période et le mode d'entraînement (5 minutes 4 fois par semaine pendant 9 semaines) soient trop courts pour constater un effet sur l'état émotionnel du cheval, d'autant plus que les propriétaires étaient des gens novices en matière d'entraînement par la récompense, pouvant susciter de la frustration chez certains chevaux.
Le résultat sur la relation n'était pas significatif mais indiquait une tendance à une meilleure relation. Les scores de relation étaient très bons dans les deux groupes, indiquant que seuls des propriétaires motivés et attentionnés avaient accepté de participer à l'étude. Cependant, l'utilisation de la récompense semblait améliorer la perception de la relation par les propriétaires.
L'augmentation du taux de cortisol dans les deux groupes est à mettre en relation avec la saison (hiver) plus qu'avec l'état émotionnel des chevaux. Il est probable à nouveau que la longueur de la période et des entraînements soient trop courts pour affecter réellement l'état émotionnel des chevaux (+ possible frustration évoquée préalablement).

Ca fait longtemps que j'ai délaissé ce topic (pas sûre qu'il plaise ?) mais cette étude déjà traduite par La Cense ne me demande qu'un clic pour vous la partager, et honnêtement je trouve qu'elle est vraiment sympa dans l'idée de donner plus de contrôle à son cheval dans les prises de décisions et dans la gestion de son environnement.

J'ajouterai un petit bémol : je ne sais pas à quel point un cheval peut anticiper la température qu'il va faire dans 2h ou au milieu de la nuit. S'il veut sa couverture à 8h, pas dit qu'il la veuille encore à 10h mais y aura-t-il quelqu'un pour lui retirer à ce moment-là ?

https://lacense.com/wp-content/uploads/adse_mettre-ou-ne-pas-mettre-la-couverture.pdf